## Séparation des Pouvoirs et Droits Fondamentaux : Notes de Cours L'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) pose la base du constitutionnalisme : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution ». Apprenez cet article par cœur ! Une constitution est un ensemble de normes prescrivant le comportement des acteurs juridiques. Son respect et son efficacité nécessitent une institution capable de sanctionner les déviances, dotée d'un pouvoir actif (abrogation des normes déviantes) et d'un pouvoir passif (non abrogeable par d'autres normes). ### I. La Séparation des Pouvoirs Associée à Montesquieu et à *De l'Esprit des Lois*, la séparation des pouvoirs vise à "faire que le pouvoir arrête le pouvoir". Cependant, l'interprétation de Montesquieu est sujette à débat. #### 1. La Thèse Purement Négative de Montesquieu Montesquieu ne propose pas une méthode précise de séparation, mais une règle négative : pour préserver la liberté, il faut séparer les pouvoirs. Il ne faut pas surestimer la portée de sa théorie, souvent simplifiée à l'extrême. ##### a. L'Analyse Traditionnelle L'analyse traditionnelle repose sur deux règles : * **Spécialisation:** Chaque institution exerce une seule fonction (législative, exécutive, judiciaire). Un exemple de spécialisation est la séparation entre le Parlement (législatif), le Gouvernement (exécutif) et les tribunaux (judiciaire). * **Indépendance:** Aucune institution n'influence la composition des autres. Cela exclut le droit de dissolution de l'Assemblée, l'impeachment, et la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement. Le résultat escompté est la préservation de la liberté individuelle. ##### ii. Remarques Critiques * **Critique fallacieuse sur la souveraineté:** L'idée que la séparation des pouvoirs divise la souveraineté indivisible est un jeu de mots. La souveraineté possède plusieurs définitions (Carré de Malberg en identifie trois). L'État peut être souverain (sens 1), l'ensemble des pouvoirs de l'État (sens 2), ou une institution spécifique (sens 3). * **Critique plus fondée de Carré de Malberg:** Il n'y a pas d'égalité entre les pouvoirs. Le pouvoir législatif est supérieur car l'exécutif et le judiciaire dépendent de lui. Montesquieu ne défendait pas cette hiérarchie. Montesquieu proposait une règle négative, pas une méthode précise. Deux solutions existent : * **Spécialisation avec supériorité du législatif:** Solution privilégiée par les démocrates. * **Balance des pouvoirs:** Équilibre entre plusieurs organes partageant la fonction législative (ex: système britannique avec la Chambre des Communes, la Chambre des Lords et le Roi). Ce système produit des lois modérées grâce à la nécessité de compromis. ##### b. La Règle Purement Négative dans le Constitutionnalisme Mécaniste Le constitutionnalisme mécaniste (contrairement au constitutionnalisme normatif actuel) conçoit la Constitution comme un mécanisme, une machine empêchant physiquement les institutions de mal faire. L'analogie des deux filles partageant un gâteau illustre ce principe : une coupe, l'autre choisit. L'effet de "main invisible" assure la préservation de la liberté, même si chaque acteur poursuit ses propres intérêts. #### 2. La Tripartition Traditionnelle des Pouvoirs ##### a. Le Dénombrement des Pouvoirs Montesquieu identifie trois pouvoirs : législatif, exécutif (intérieur et extérieur), et judiciaire. Cette tripartition n'est pas universelle. Certaines constitutions (Venezuela, Taiwan, Equateur, Colombie) en proposent davantage. L'analyse doit être à la fois empirique (étude des faits) et conceptuelle (regroupement des pouvoirs en trois catégories). ##### b. La Nullité de la Puissance Judiciaire La thèse traditionnelle considère le pouvoir judiciaire comme "nul" (Montesquieu). Cette vision reflète la méfiance envers les juges en France avant la Révolution. L'application du droit par les juges serait un simple syllogisme, une application mécanique. ##### ii. Critique : Vers le Réalisme Juridique Le réalisme juridique contredit cette vision. Les juges ont un pouvoir créateur de droit : ils écartent des normes, qualifient les faits (ex: Dupont est-il un voleur ?), et créent des normes individuelles. Merkl, Kelsen, Gray et Troper sont des représentants de ce courant. Les réalistes, en se concentrant sur les juges, négligent le rôle des autres institutions. ### II. Les Droits Fondamentaux #### 1. L'Émergence du Discours et de la Rhétorique des Droits Fondamentaux Au XVIIIe siècle, la séparation des pouvoirs suffisait. Le Bill of Rights américain (10 amendements) marque un tournant. Aujourd'hui, aucune constitution ne se passe de droits fondamentaux (sauf l'Australie). On distingue plusieurs générations de droits : * **1ère génération (1789):** Droits civils et politiques (liberté d'expression, de religion, etc.). * **2ème génération (après la Seconde Guerre mondiale):** Droits sociaux et économiques (droit au logement, à l'éducation, etc.). * **3ème génération:** Droits collectifs (droit à la paix, à l'environnement, etc.). * **4ème génération:** Droits liés à l'Habeas Data. #### 2. Le Raisonnement Juridique en Termes de Droits Fondamentaux ##### a. La Conciliation des Droits Les droits fondamentaux sont des principes, des normes générales d'importance particulière. Dworkin et Alexy sont des théoriciens importants des principes. Ils s'opposent aux règles, et leur poids respectif doit être évalué pour concilier les droits en conflit (ex: droit à la vie vs. droit à l'avortement). ##### b. La Variété des Conceptions L'interprétation des principes varie selon les États. La liberté d'expression et le respect de la vie privée sont en conflit. L'Allemagne et la Cour européenne des droits de l'homme ont des interprétations différentes. L'équilibre entre les principes dépend des juges et de la conception juridique dominante.